Les pertes de grains en cours de stockage dépendent des facteurs suivants:
- l'état des grains stockés caractérisé par leur degré d'humidité, leur température et l'état de leur surface (présence d'éraflures, de fractures résultant d'un mauvais égrenage);- la présence de différentes impuretés mêlées aux grains;
- l'attaque des déprédateurs (insectes, rongeurs, oiseaux);
- les conditions climatiques (humidité relative, température) pendant le stockage;
- la durée du stockage;
- le système de stockage utilisé.
Pour mieux comprendre l'action de dégradation de ces différents facteurs, il est bon de rappeler succintement les caractéristiques des grains stockés.
Les grains sont constitués de trois parties: les enveloppes, l'albumen et le germe ou plantule. Les figure II.1 à II.4 montrent ces différentes parties pour les grains de maïs, sorgho, riz et haricot.
Les enveloppes
Les grains de céréales sont protégés par une ou plusieurs enveloppes. L'enveloppe extérieure, ou péricarpe, protège la graine et ralentit les échanges avec l'extérieur. Elle peut cependant être traversée par les micro-organisme s et par les gaz. Lors de la mouture, le péricarpe donnera le "son", substance riche en protéines. Par opposition aux céréales dites "nues" (par exemple le maïs, le sorgho, le mil), certaines céréales, telles que le riz paddy, sont dites "vêtues" car elles possèdent certaines enveloppes provenant de la fleur. Celles-ci améliorent considérablement la protection de la graine. Les grains de légumineuses, telles que le haricot, sont de véritables graines recouvertes en général de deux téguments.
Les enveloppes protègent la graine de l'humidité, de certaines moisissures et de différents insectes. Cependant, cette protection n'est assurée que si l'enveloppe n'a pas été éraflée ou rompue durant la moisson ou l'égrenage. Etant donné que les grains endommagés risquent de contaminer les grains sains, il est important d'en éliminer le maximum avant le stockage.
L'enveloppe ne protège pas la totalité du grain: une partie de ce dernier, le funicule, n'est pas protégée et permet la pénétration de vapeur d'eau et de certaines moisissures à l'intérieur du grain.
L'albumen
L'albumen occupe une grande partie de l'intérieur du grain et correspond à l'organe de réserve. Il est surtout constitué de grains d'amidon dont l'assemblage plus ou moins lâche confère à l'albumen une structure vitreuse ou farineuse. Dans le cas de certaines légumineuses (haricot ou pois par exemple), l'albumen est rapidement digéré par les cotylédons qui deviennent alors l'organe de réserve. On a ainsi des grains sans albumen. Certains insectes et moisissures se nourrissent ou se servent de l'albumen tout en produisant de l'humiditié, du gaz carbonique et de la chaleur. L'humidité et la chaleur ainsi dégagées favorisent les attaques par d'autres insectes ou engendrent des conditions favorables au développement des moisissures.
Le germe et la plantule
La plantule des céréales est formée du scutellum (ou cotylédon) qui est riche en lipides (matières grasses) et du germe qui constitue une véritable plante miniature. La taille relative de la plantule par rapport au grain varie suivant les produits (par exemple 2 pour cent pour le riz cargo, 10 pour cent pour le sorgho et 11 pour cent pour le maïs).
Les conséquences de la dégradation de la plantule en cours de stockage sont particulièrement graves dans le cas où les grains sont stockés en tant que semences. Ainsi, une dégradation importante de celles-ci réduirait considérablement le rendement des récoltes. Par conséquent, les semences sont souvent stockées séparément afin de leur assurer une meilleure protection.
Le germe est aussi une source importante d'éléments nutritifs qui, tels que les vitamines, sont essentiels pour l'homme. Son importance du point de vue alimentaire est davantage d'ordre qualitatif que quantitatif. Par exemple, il est préférable de ne pas séparer le germe du reste des constituants des grains lors de la mouture dans les pays où la consommation des grains (maïs par exemple) constitue l'essentiel du régime alimentaire des groupes économiquement défavorisés1. Cependant, on élimine parfois ces germes riches en lipides pour éviter que les farines auxquelles ils se retrouvent mélangés ne rancissent.
1 Voir à ce sujet le dossier technique sur la transformation du maïs, où plusieurs techniques d'usinage sont analysées en fonction de leur effet sur la nutrition: BIT: Small-scale maize milling, Technology Series, Technical Memorandum No. 7 (Genève, 1984), traduction française à paraître.
L'importance relative des différentes parties du grain est donnée à titre indicatif dans le tableau II.1 pour le maïs, le sorgho et le riz cargo.
Tableau II.1
Importance relative des différentes
parties du grain
|
Pourcentage | ||
Grain |
Péricarpe |
Albumen |
Germe |
Maïs |
5,5 |
83 |
11,5 |
Sorgho |
6 |
84 |
10 |
Riz cargo |
6 |
92 |
2 |
Certaines propriétés physiques des grains expliquent quelques uns des problèmes dûs à un mauvais stockage.
Porosité
Les grains en masse constituent un matériau poreux dont 30 à 50 pour cent du volume est occupé par l'air intersticiel. Le pourcentage des 'vides', fonction de la taille des grains, est par exemple plus faible pour le sorgho que pour le maïs. Ces espaces intergranulaires permettent de faire traverser les grains par un courant d'air (ventilation). Dans les zones humides, certains systèmes de stockage sont conçus de façon à favoriser une telle ventilation afin, par exemple, de parachever le séchage des grains.
Conductibilité thermique
Les grains ont une faible conductibilité thermique, se comportant ainsi comme un isolant. Cette caractéristique peut donner lieu à des pertes ou dégradations lorsqu'une partie de ces grains est sujette à des attaques d'insectes ou de moisissures. En effet, ces attaques produisent de l'humditité, du gaz carbonique et de la chaleur. Cette dernière, ne pouvant se dissiper facilement du fait de la faible conductibilité thermique des grains, peut donner lieu à des températures relativement élevées (par exemple 50 à 60°C) à l'intérieur des stocks. Ces derniers perdent une partie de leur valeur nutritive et ne peuvent plus être utilisés comme semence.
Hygroscopicité
Le grain constitue un matériau hygroscopique capable d'échanger de la vapeur d'eau avec le milieu ambiant. Cet échange est fonction du degré d'humidité de l'air et de sa température et se poursuit jusqu'à ce qu'un équilibre s'établisse entre l'humidité de l'air et celle du grain. Cette caractéristique du grain joue un rôle important lors du stockage car l'humidité est l'un des facteurs les plus importants de détérioration du grain.
Poids spécifiques
Il est important de connaître les poids spécifiques des différents produits stockés pour déterminer les volumes et donc les dimensions des greniers ou des magasins qui seront nécessaires pour stocker telle ou telle quantité de grains. Le tableau II.2 donne quelques exemples de poids spécifiques.
Tableau II.2
Poids spécifique de différents produits stockés (en kilogrammes par mètre cube)
Produit | |
Poids spécifique |
|
|
(kg/m3) |
Maïs |
Epis nus |
450 |
|
Grains |
700 - 750 |
Riz |
Gerbes |
80 - 120 |
|
Paddy |
520 - 740 (on retient souvent 550) |
|
Cargo et usiné |
800 -1040 |
Sorgho |
Grains |
680 - 750 |
Mil |
Grains |
810 |
Haricots secs |
Grains |
720 |
|
Gousses |
410 |
Les grains sont constitués de matière sèche et d'eau. La matière sèche est constituée des éléments suivants:
- Les glucides qui sont présents principalement dans l'albumen sous forme de grains d'amidon. D'un point de vue nutritionnel, les glucides jouent un rôle essentiellement énergétique;- les lipides, ou matières grasses, sont surtout concentrés dans le germe et jouent aussi un rôle essentiellement énergétique. En cas de mauvaise conservation, certains acides gras (dits "insaturés") peuvent s'oxyder et donner un goût et une odeur de rance aux grains;
- les protides sont surtout présents dans le germe et l'assise protéique. Ce sont des composés azotés formés par l'association d'éléments de base, les acides aminés. Certains de ces acides aminés sont essentiels à l'alimentation humaine. Leur élimination en cours de stockage diminue donc la valeur nutritive des grains;
- Les vitamines sont surtout concentrées dans le germe et le péricarpe. Intervenant au niveau des fonctions essentielles de l'organisme humain, leur carence entraîne souvent des troubles graves. Or, les vitamines, présentes dans le germe et l'enveloppe sont plus vulnérables que les autres constituants du grain en cas de mauvais stockage.
Au cours des différentes phases du système après récolte et notamment du stockage, on doit veiller à bien conserver l'intégralité de ces différents constituants biochimiques afin que les grains conservent leur qualité nutritionnelle et alimentaire.
Le grain contient aussi de l'eau dans des proportions qui varient selon l'origine des grains et le séchage auquel ils ont été soumis. Présente à une certaine teneur, l'eau va favoriser l'attaque par des micro-organismes. Les effets conjugués du niveau d'humidité du grain et de la température seront étudiés de manière plus détaillée dans ce chapitre.
Les proportions des différents constituants de quelques céréales sont fournies au tableau II.3.
Tableau II.3
Composition biochimique de quelques céréales
Céréales |
Constituants (pourcentage) | ||||
|
Glucides |
Lipides |
Protides |
Cendres |
Eau |
Maïs |
72 |
4 |
10 |
1 |
13 |
Riz | | | | | |
Paddy |
73 |
2 |
8 |
4 |
13 |
Cargo |
75,5 |
1,5 |
10 |
1 |
12 |
Sorgho |
73 |
3,5 |
11 |
1,5 |
11 |
Afin de mieux comprendre le processus de détérioration des grains, il est bon de rappeler une manifestation essentielle de l'activité de ceux-ci: la respiration. Celle-ci peut schématiquement être assimilée à la dégradation des glucides suivant la réaction suivante:
C6H12 + 6 O2 Þ 6 CO2 + 6 H2O + 674 Kcal
soit:
Amidon + oxygène Þ gaz carbonique + eau + chaleur
Durant le stockage, les organismes vivants que sont les grains respirent. Cette activité provoque une perte de matière sèche, dans ce cas l'amidon, tout en produisant du gaz carbonique, de l'eau (sous forme de vapeur) et de la chaleur. Ce phénomène est fréquemment observé dans les masses de grains stockés humides. Il donne lieu à une forte élévation de température, au développement de micro-organismes tels que les moisissures et finalement à la prise en masse des grains. Pour assurer une bonne conservation des produits, il faut donc limiter au maximum ce phénomène en agissant sur les principaux facteurs internes d'altération des grains, essentiellement l'humidité et la température. Un bon stockage doit aussi limiter les pertes et dégradations occasionnées par des déprédateurs tels que les insectes et les rongeurs. Tous ces facteurs d'altération des grains sont brièvement analysés dans la section suivante.
La durée du stockage
D'après ce qui a été précédemment exposé sur le phénomène de la respiration, il apparait évident que plus la durée de stockage est longue, plus les pertes de matières sèches sont importantes. Les grains destinés à être conservés sur une longue période, comme c'est le cas par exemple pour un stockage de sécurité pluri-annuel, doivent ainsi être dans un état de siccité important et dans un environnement favorable afin de limiter autant que possible les phénomènes de respiration des grains.
La température
Elle joue un rôle important dans la conservation des produits agricoles car elle conditionne la vitesse de dégradation des grains. Elle accélère en effet la vitesse des réactions chimiques et enzymatiques et la respiration des grains. Une augmentation de température se traduit par un dégagement de chaleur au sein de la masse des grains. Ce dégagement de chaleur double pratiquement pour chaque élévation de 5°C de la température, ceci jusqu'à environ 28 C (au delà l'effet diminue). La durée probable de conservation d'un stock est ainsi diminuée de moitié lorsque la température des grains augmente de 5°C. L'échauffement des grains est un phénomène qui s'auto-accélère et qui altère rapidement la qualité des grains. Le niveau des températures atteintes est important à considérer. Le pouvoir germinatif des semences de céréales est totalement altéré si l'on dépasse, par exemple, 40°C.
Les échauffements peuvent être évités ou freinés par l'utilisation de différentes techniques. La première consiste à stocker les grains à basse température. Cette technique est rarement possible dans les zones tropicales. La ventilation des produits stockés est une technique beaucoup plus fréquemment utilisée. Certains systèmes de stockage favorisent l'aération naturelle des produits, et permettent ainsi d'éliminer la chaleur produite par les phénomènes biologiques au fur et à mesure de son apparition. On peut enfin isoler les stocks des fortes températures ambiantes en construisant des greniers avec des matériaux relativement isolants (terre stabilisée, par exemple) ou en les recouvrant d'un enduit de couleur claire (chaux, peinture blanche).
La température agit aussi indirectement sur les stocks en favorisant le développement des micro-organismes et des insectes. Les extrêmes de température tolérés par les moisissures varient d'une espèce à l'autre mais la majorité d'entre elles ont une croissance accélérée entre 20 et 40°C pour autant que ces micro-organismes soient placés dans des conditions hydriques satisfaisantes. Quant aux insectes, leur développement est possible entre 10 et 45 C et connait, pour la plupart des espèces, un optimum vers 30 C. Les basses températures retardent ou arrêtent complètement la reproduction des insectes alors que les fortes températures entraînent leur élimination. Dans les régions tropicales, les stocks sont souvent à des températures qui correspondent aux conditions optimales de croissance des insectes et des moisissures.
L'humidité
L'humidité est sans doute le facteur de dégradation le plus important. Il est courant de constater que les grains stockés humides sont le siège d'échauffements, de développement de moisissures et parfois de germination. L'une ou l'autre de ces manifestations est la preuve flagrante d'un mauvais stockage.
L'humidité favorise la respiration des grains et des micro-organismes qui lui sont associés et accentue en conséquence le dégagement de chaleur au sein des grains stockés. Il est généralement admis que le dégagement de chaleur double pour chaque accroissement de 1,5 pour cent de l'humidité du grain. La durée probable de conservation d'un stock est ainsi diminuée de moitié si l'humidité du grain stocké augmente de 1,5 pour cent. Les altérations sont accentuées par le fait que les grains humides contiennent une eau faiblement absorbée qui est rapidement mise à profit par les micro-organismes présents à la surface du grain pour se développer.
Afin de mieux cerner la relation qui existe entre la teneur en humidité et la dégradation des grains, il est essentiel de rappeler la notion d'équilibre hygroscopique air-grain. Mis en contact prolongé, le grain et l'air ambiant atteignent un état d'équilibre hygroscopique caractérisé par une même température et une même pression de vapeur d'eau. Lorsqu'il y a déséquilibre, un transfert d'eau sous forme de vapeur d'établit entre les deux milieux. Placé dans une atmosphère sèche, un grain humide perd de l'eau (ce principe est utilisé en séchage) alors qu'un grain sec placé dans une ambiance humide se réhumidifie. A chaque degré d'humidité relative de l'air correspond un degré d'humidité du grain. Ces différents équilibres sont représentés par une courbe d'équilibre hygroscopique qui, établie pour une température donnée, est propre à chaque produit. Pour un même grain, plusieurs courbes sont tracées qui correspondent à différentes températures.
Les figures II.5 à II.8 représentent les courbes d'équilibre hygroscopique pour différents produits: maïs, riz, sorgho, légumineuse (haricot, soja). Par exemple, à une température de 25°C, le maïs, qui a une teneur en eau de 15 pour cent, est en équilibre avec l'air à 76,5 pour cent d'humidité relative (point A sur la figure II.5). S'il est ventilé avec de l'air à 25°C et à 70 pour cent d'humidité relative, sa teneur en eau va diminuer et s'équilibrer à 14 pour cent (point B sur la figure II.5).
(Source: CEMAGREF)
(Source: CEMAGREF)
Entre 25 et 60 pour cent d'humidité relative, il y a pratiquement blocage de toutes les réactions de dégradation des grains. Ce n'est qu'au-dessus de 65 à 70 pour cent d'humidité relative que se développent les micro-organismes et que s'accélèrent les réactions d'altération. Pour une bonne conservation des grains stockés, leur humidité doit être inférieure à celle qui correspond à l'équilibre avec de l'air à 70 pour cent d'humidité relative.
Le tableau II.4 donne, pour différents produits, la teneur en eau qui ne doit pas être dépassée afin d'éviter les risques de développement des moisissures au cours du stockage. Les valeurs données tiennent compte du fait qu'en zone tropicale, la température des stocks est souvent élevée (25 à 30°C et parfois plus).
Tableau II.4
Humidité maximum recommandée pour le stockage des grains en régions chaudes
Produit |
Teneur en eau (pourcentage) |
Maïs |
13 |
Paddy |
13-14 |
Riz |
13 |
Sorgho |
12,5-13 |
Mil |
15 |
Blé |
13 |
Haricot |
14 |
Soja |
12 |
Arachide |
7 |
Action combinée de la température et de l'humidité
Les facteurs température et humidité sont étroitement liés. Les courbes d'équilibre hygroscopique air-grain indiquent en effet que plus la température est élevée, plus l'humidité du produit doit être faible pour assurer une bonne conservation. C'est pourquoi les taux d'humidité maximaux recommandés pour le stockage dans les régions chaudes sont toujours inférieurs à ceux retenus dans les régions tempérées ou froides. Le diagramme de conservation des céréales établi par Burgess et Burrel (voir figure II.9) donne les différents types d'altération possible, en fonction de la température et de l'humidité. Ce diagramme permet de vérifier que du grain à une teneur en eau de 15 pour cent et stocké à une température de 25°C (point A) va présenter des risques de développement d'insectes et de moisissures alors que s'il est stocké à cette même température, mais à une humidité de 12,5 pour cent, il est seulement exposé aux attaques d'insectes (point B). On note également que du grain à 15 pour cent d'humidité se conserve parfaitement s'il est stocké à 10°C (point C). En zone tropicale, on ne dispose généralement pas de températures aussi basses.
Composition des gaz du milieu
Les grains en masse constituent un matériau poreux dont 30 à 50 pour cent du volume est occupé par de l'air qui détermine leur métabolisme aérobie. La respiration des grains stockés dans une structure étanche appauvrit l'atmosphère intersticielle en oxygène et l'enrichit en gaz carbonique. Cette modification de la composition des gaz du milieu peut bloquer le développement des moisissures et détruire les insectes éventuellement présents. Ce principe est appliqué dans les méthodes de stockage souterrain. Ces méthodes sont pratiquées de manière traditionnelle dans de nombreuses régions du monde où les producteurs utilisent des fosses creusées dans le sol pour stocker leur récolte. Cependant, si les grains sont emmagasinés avec une humidité excessive, des risques de fermentation apparaissent et donnent lieu à des pertes importantes pouvant atteindre l'ensemble du stock.
Les principaux agents biologiques responsables de l'altération des grains au cours du stockage sont les moisissures, les insectes et les rongeurs. Ceux-ci sont brièvement analysés dans cette section.
(Source: FAO)
La microflore des grains
La surface des grains est toujours imprégnée d'une microflore. Les échauffements qui apparaissent dans les masses de produits stockés sont dûs aussi bien à la respiration des grains qu'à la présence du "complexe grain-micro-organismes". La microflore présente sur les grains se compose de bactéries de levures et de moisissures. Leur développement n'est possible que dans des conditions bien précises de température et d'humidité. Les limites inférieures moyennes de développement en fonction de l'humidité relative de l'air sont de 90 pour cent pour les bactéries, 85 pour cent pour les levures et 65 à 70 pour cent pour les moisissures. En général, ce sont uniquement les moisissures qui sont à craindre pendant le stockage, bien que tous les micro-organismes précédemment cités soient susceptibles de polluer les grains à fort degré d'humidité. Il existe de très nombreuses espèces de moisissures dont certaines sont caractéristiques du stockage (par exemple les "pénicillium" et les "aspergillus"). Au cours de leur développement, elles produisent parfois des toxines qui rendent les produits sur lesquels elles sont présentes impropres à la consommation humaine ou animale. Le cas le plus connu est celui de l'aflatoxine, une mycotoxine cancérigène produite par l'Aspergillus flavus.
Les conditions d'un bon stockage doivent empêcher le développement de moisissures qui risquent d'altérer les propriétés organoleptiques des grains de consommation (aspect, odeur, goût), la valeur nutritionnelle du produit (perte de matière sèche) et parfois sa qualité alimentaire (présence de mycotoxines).
Les insectes
En zone tropicale, les insectes sont à l'origine de nombreux dégats dans les produits stockés. Le développement de la plupart des espèces se situe entre 15 et 35°C avec un optimum d'environ 25-30°C. Leur multiplication est réduite dans le cas de faible humidité du grain (11 pour cent pour le maïs par exemple). Les insectes ne résistent pas à une teneur en oxygène du milieu inférieure à 1 pour cent.
Dans les stocks, les insectes occasionnent des pertes quantitatives importantes en consommant l'albumen et parfois le germe des grains. Ce sont bien souvent les larves, pour certaines espèces vivant à l'intérieur même des grains, qui provoquent les dégats les plus sensibles. Les denrées qu'ils infestent sont également dépréciées par leurs déjections ou secrétions.
Enfin, par leur activité biologique qui produit des déchets (fines farines par exemple), et des dégagements de chaleur et de vapeur d'eau, les insectes créent un milieu propice au développement des micro-organismes.
De très nombreuses espèces d'insectes s'attaquent aux denrées stockées. Certaines sont spécifiques au stockage alors que d'autres peuvent infester les produits dans le champ. Les principaux insectes déprédateurs des produits vivriers sont répertoriés dans le tableau II.5.
Les rongeurs
Les rongeurs occasionnent des pertes importantes dans les greniers et les magasins de stockage: des pertes quantitatives en consommant les produits et des pertes qualitatives en souillant les denrées par leurs sécrétions. Les rongeurs provoquent également des dégats au niveau des structures de stockage ou des emballages (sacs). Selon le système de stockage utilisé, les risques d'attaque par les rongeurs sont plus ou moins élevés. Le stockage en vrac est de ce point de vue, plus efficace que le stockage en sacs.
Les principaux rongeurs déprédateurs des stocks sont le rat gris, le rat noir et la souris, que l'on rencontrent pratiquement sous tous les climats. Selon les régions, des espèces locales de rongeurs peuvent également s'attaquer aux produits stockés.
La lutte contre les rongeurs est importante tant d'un point de vue économique que d'un point de vue sanitaire car ces animaux sont souvent porteurs de maladies. Cette lutte doit d'abord être préventive. Les méthodes utilisées consistent à placer des "écrans" infranchissables entre les rongeurs et les stocks (par exemple, barrières anti-rats et fermeture hermétique des locaux) et surtout à observer une hygiène rigoureuse dans les entrepots. Dans certains cas, des méthodes curatives s'avèrent nécessaires pour réduire des populations importantes de rongeurs. Ces opérations sont souvent difficiles à mettre en oeuvre et délicates car elles nécessitent l'emploi de poisons (anticoagulants) dangereux pour l'homme et les animaux domestiques.
Avant le stockage, les grains et les structures destinées à les recevoir doivent être correctement préparés pour éviter les risques de mauvaise conservation.
Tableau II. 5
Principaux insectes déprédateurs des stocks
Espèces d'insectes |
Produits alimentaires | |
Nom commun |
Nom scientifique |
|
Charançon |
Sitophilus spp. |
Maïs, sorgho, blé, riz, paddy |
Bostryche ou capucin des grains |
Rhizopertha dominica |
Paddy, riz, blé, maïs, manioc |
Dermeste des grains |
Trogoderma granarium |
Maïs, blé, sorgho, riz, légumineuses, oléagineux, tourteaux |
Silvain |
Oryzaephilus spp. |
Maïs, blé, riz, oléagineux, fruits sèches |
Ver de farine |
Tribolium spp. |
Maïs, blé, farine, arachides, farines de céréales, fruits sèches, cacao, tourteaux et farines pour l'alimentation du bétail |
Bruche des haricots |
Callosobruchus spp. |
Doliques, faséoles |
|
Acanthoscelides obtectus |
Haricots |
|
Zabrotes subfasciatus | |
|
Caryedon serratus |
Arachides |
Dermeste |
Dermestes spp. |
Poisson séché |
Lasioderne du tabac |
Lasioderma serricorne |
Cacao, manioc |
Coléoptère plat |
Cryptolestes spp. |
Maïs, riz, arachides, cacao farine |
Alucite des grains |
Sitotroga cerealella |
Maïs, blé, paddy, sorgho |
Teigne du cacao |
Ephestia cautella |
Arachides, riz, maïs, blé, cacao, sorgho |
Plodia |
Plodia interpunctella |
Maïs, arachides, fruits sèches |
Teigne du riz |
Corcyra cephalonica |
Maïs, blé, riz, sorgho, arachides |
Bruche du café |
Araecerus fasciculatus |
Café, cacao, maïs |
Il a été précédemment démontré que l'humidité était le facteur d'altération le plus important. Avant tout stockage, il est donc nécessaire de vérifier que les grains sont bien secs, c'est-à-dire que leur humidité correspond à l'équilibre hygroscopique avec de l'air à 70 pour cent d'humidité relative. Le tableau II.4 rappelle ces humidités pour différents produits.
Dans les zones sèches, les grains sont souvent très secs à la récolte et ne sont pas exposés à priori au développement des moisissures au cours du stockage. Dans les zones humides, les conditions climatiques ne permettent pas le séchage sur pied des récoltes. Il est alors nécessaire de ramener les produits à un état de siccité qui empêche le développement des moisissures, par des moyens de séchage appropriés.
Pour obtenir un stockage correct, il est indispensable que le produit soit propre. Les différentes impuretés, souvent plus humides que le grain lui-même et plus facilement vulnérables aux attaques d'insectes et de moisissures (par exemple les grains brisés, les farines, les débris végétaux) constituent des foyers d'infestation privilégiés.
Pour le stockage en épis (maïs par exemple), il est indispensable d'effectuer, avant la mise au grenier, un triage du produit pour ne conserver que les épis parfaitement sains. Les grains doivent également être exempts d'insectes qui, tout en consommant le produit, créent un milieu favorable à lattaque par des micro-organismes.
Avant le stockage, les structures d'emmagasinage (greniers, magasins, silos) doivent être parfaitement préparés pour recevoir les récoltes. Les greniers doivent être débarassés des restes de grains provenant des récoltes précédentes, puis soigneusement nettoyés et éventuellement traités avec un insecticide de contact. Les entrepots doivent également être bien nettoyés et les sacs défectueux remplacés.
Les grains sont des organismes vivants qui, en fonction des conditions environnantes, subissent des altérations pendant le stockage. Le fait qu'ils aient été emmagasines dans un état sain n'exclue donc pas la nécessité d'un contrôle suivi de leur état au cours du stockage. Le contrôle des grains stockés est nécessaire tout au long de la période de stockage.
Au niveau villageois, ce contrôle est essentiellement visuel et permet de déceler les indices d'attaques par les moisissures, les insectes ou les rongeurs. Au niveau des stocks de plus grand volume, le contrôle doit devenir systématique. Il nécessite l'utilisation de divers appareils de mesure comme, par exemple, des sondes thermométriques pour déceler d'éventuels échauffements révélateurs d'un mauvais stockage, et l'analyse d'échantillons pour connaître le niveau d'infestation par les insectes. Les différents contrôles à effectuer en cours de stockage sont exposés de manière plus détaillée dans les chapitres suivants.