On appelle fermentation les modifications chimiques subies par les légumes sous l'action de micro-organismes vivants tels que les moisissures, les levures ou les bactéries. Ce chapitre, divisé en trois parties, traitera successivement de:
- la fermentation naturelle spontanée, réalisée en milieu saumâtre acidifié par du vinaigre (cas des légumes feuilles, fruits, racines et bulbes);- la fermentation naturelle en milieu aqueux (rouissage) ou en milieu semi-hydraté (manioc râpé);
- la fermentation provoquée par inoculation d'une souche microbienne spécifique responsable de la transformation désirée (cas du soja).
La fermentation de ces légumes apporte des modifications:
- de texture: cette dernière se ramollit considérablement du fait d'un changement de la structure fibreuse;- de couleur: celle-ci s'atténue;
- d'acidité: celle-ci augmente de façon très sensible et assure une meilleure conservation.
Les conditions de fabrication sont essentielles pour assurer une bonne fermentation et conférer ainsi au produit les caractéristiques organoleptiques désirées et un degré de conservation suffisant. Ces conditions sont détaillées au tableau 23.
Le schéma illustré à la figure 43 peut varier en fonction de l'espèce de légume traitée, tant au niveau des prétraitements appliqués qu'à celui de la technique de fermentation mise en oeuvre et des transformations postérieures à la fermentation.
Ce genre de transformation, réalisable au niveau artisanal ou semi-industriel, est relativement facile à effectuer compte tenu de la simplicité du matériel utilisé, mais il faut prendre des précautions pour éviter les accidents de fermentation et les pertes dues à une dégradation incontrôlée.
Les réserves émises au chapitre 4 quant à la possibilité d'implanter des unités de transformation des légumes par salage sont également valables dans le cas de la conservation par fermentation.
La fermentation en solution saline ne peut se produire que dans certaines conditions bien déterminées. Ainsi, lorsque la concentration en sel est de 10 pour cent, il y a développement d'un certain type de bactéries seulement et destruction concomitante d'autres bactéries nuisibles.
La mise en fermentation s'effectue en utilisant:
- soit du sel sec;
- soit du sel en solution, en présence ou non de vinaigre.
L'acidité du produit augmente avec la croissance bactérienne, ce qui contribue simultanément à accroître l'aptitude à la conservation.
Quand l'accroissement de l'acidité est jugé suffisant, on arrête la fermentation en appliquant un traitement thermique (pasteurisation) ou en augmentant fortement la teneur en sel.
Tableau 23. Détail des conditions de fabrication de conserves par fermentation
Opérations |
Légumes | ||||||
|
Feuilles diverses |
Tomates vertes |
Haricots verts |
Concombres |
Cornichons |
Betteraves |
Oignons |
Prétraitements |
1. Lavage |
1. Lavage |
1. Lavage |
1. Lavage |
1. Lavage |
1. Lavage |
1. Lavage |
Mise en fermentation |
Salage à sec |
Salage par saumure | |||||
Arrêt de la fermentation |
Par pasteurisation |
Par augmentation de la teneur en sel | |||||
Conditionnement |
Avant stockage |
Après stockage |
a) Fermentation avec du sel sec
- préparer une quantité de sel égale à 2,5-5 pour cent du poids des légumes;- placer environ 2,5 cm de légumes au fond du fût;
- saupoudrer de sel;
- placer une deuxième couche de légumes;
- la recouvrir avec un peu plus de sel que précédemment;
- répéter ces opérations en augmentant chaque fois la dose de sel;
- finir par une couche de sel;
- couvrir avec deux à trois couches de tissu propre;
- placer un couvercle de bois recouvert d'un poids pour maintenir les légumes immergés;
- au bout de 24 à 48 heures, on observe un début de dégagement gazeux; laisser fermenter;
- quand la fermentation est achevée, conditionner en petits volumes pour pasteuriser (au bout de 4 à 10 jours si la température est élevée).
b) Fermentation en saumure (arrêt par pasteurisation)
- placer les légumes dans un fût jusqu'à 7-10 cm du haut du fût;
- préparer la saumure (1 l d'eau et 100 g de sel);
- recouvrir les légumes de cette saumure;
- ajouter 100 g de sel sec par kg de légumes;
- couvrir comme dans la méthode précédente;
- la fermentation débute après 24 à 48 heures. Laisser fermenter une semaine;
- rajouter 50 g de sel pour 10 kg de légumes;
- répéter l'adjonction hebdomadaire de sel pendant 10 semaines;
- stocker.
Ce sont le conditionnement en petits volumes, la pasteurisation (facultative suivant le mode d'arrêt de la fermentation) et le stockage.
a) Conditionnement
Celui-ci a lieu soit immédiatement après la fin de la fermentation pour stopper celle-ci grâce à une pasteurisation, soit après une période de stockage plus ou moins longue en fûts après que la fermentation a été arrêtée par accroissement de la teneur en sel. On conditionne dans des récipients en verre ou en plastique thermosoudé, chimiquement inerte en milieu hypersalé.
b) Pasteurisation
On l'effectue soit sur des légumes dont on veut arrêter la fermentation, soit sur des légumes dont la fermentation a été progressivement interrompue par adjonction progressive de sel et que l'on reconditionne après stockage en fûts dans des solutions moins salées. Pour assurer la bonne conservation de ces produits, une pasteurisation est nécessaire. Il faut:
- dessaler;- mettre dans des récipients adéquats;
- verser dans ces récipients une saumure faible constituée d'eau additionnée de 53 g de sel, 250 ml de vinaigre et 5-30 g de sucre par litre;
- effectuer ce jutage à chaud (88°C);
- fermer hermétiquement les récipients;
- pasteuriser.
La pasteurisation s'effectue dans les deux cas dans de l'eau bouillante. Elle dure environ 20 mn pour le premier type de produit et environ 10 mn pour le second, quand le jutage est fait à chaud.
c) Stockage
Il est réalisé en fûts pour les légumes contenus dans une saumure très riche en sel et fortement acide du fait de la fermentation. Il faut alors éviter la formation d'écume en surface pour obtenir de bonnes conditions de stockage, comme on l'a noté au chapitre 4, section 4.4.3.
On distingue couramment deux grands groupes de manioc, sans que la frontière qui les sépare soit nettement marquée:
- le manioc doux, dont la teneur en glucosides cyanogénétiques est faible;- le manioc amer, à forte teneur en acide cyanhydrique (HCN), qui doit être détoxiqué avant consommation.
Ces maniocs donnent lieu à un grand nombre de transformations réalisées au niveau traditionnel villageois, essentiellement en Amérique latine et en Afrique. Nous ne traiterons ici que de la détoxication du manioc amer par fermentation, en prenant comme exemple la préparation de deux produits de grande consommation en Afrique:
- le bâton de manioc issu de manioc roui, très populaire en Afrique centrale;- le gari, consommé de la Guinée au Cameroun dans plusieurs pays d'Afrique occidentale, qui est une sorte de couscous de manioc fermenté et séché.
Seul le gari peut être actuellement produit à l'échelon semi-industriel.
La figure 44 donne la séquence des opérations entièrement manuelles relatives à la préparation des bâtons de manioc au Cameroun (la préparation de boules nommées chikouangue au Zaïre et au Congo est légèrement plus compliquée).
Le rouissage consiste à laisser fermenter les racines entières de manioc dans de l'eau pendant 2-5 jours. Plusieurs méthodes de rouissage sont utilisées, liées aux habitudes et aux contingences locales, notamment en ce qui concerne la disponibilité en eau: rouissage avant ou après épluchage, en eau courante ou en eau stagnante, en rivière ou en fût. Chaque méthode présente des avantages et des désavantages répertoriés au tableau 24.
D'une manière générale, la fermentation - donc la détoxication - est plus rapide dans de l'eau stagnante et si la température de l'eau de rouissage est relativement élevée. Les pertes de nutriments concernent essentiellement les vitamines et les sels minéraux et, dans une moindre mesure, les protéines solubles (rouissage sans écorce). Outre la détoxication, les fermentations lactiques et butyriques ont pour avantage de favoriser le développement de riboflavine (vitamine B2) dans des proportions importantes.
La quantité d'eau nécessaire pour rouir une tonne de racines de manioc est comprise entre 1 et 2 m3.
Tableau 24. Comparaison de différentes méthodes de rouissage du manioc
Méthode |
Avantages |
Désavantages |
Avant épluchage |
Epluchage plus facile |
Fermentation et détoxication plus lentes |
Après épluchage |
Défibrage facile |
Epluchage plus laborieux |
Eau courante |
Pollution réduite |
Perte de nutriments |
Eau stagnante (marigot) |
Pertes de nutriments réduites |
Pollution |
Eau stagnante (fût) |
Pertes de nutriments réduites |
Transport d'eau laborieux |
A l'exception d'une petite entreprise du Cameroun équipée de matériel de charcuterie importé, la fabrication des bâtons de manioc est entièrement manuelle et constitue une source de revenus non négligeable pour un nombre élevé de femmes qui vendent les bâtons enveloppés dans des feuilles de bananier et soigneusement ficelés avec une liane mince avant cuisson. Leur durée de conservation n'excède pas deux ou trois jours; au-delà, les risques de contamination par des micro-organismes, notamment par des moisissures, s'accroît considérablement et les bâtons deviennent plus fermes et plus cassants par déshydratation et rétrogradation de l'amidon.
Contrairement à ce qui vient d'être dit, le gari peut être fabriqué non seulement à l'échelon familial, mais également dans des entreprises artisanales semi-mécanisées d'une capacité horaire de 400-500 kg de racines, voire dans des unités industrielles plus importantes pouvant traiter 2.000-2.500 kg de racines par heure.
a) Fabrication traditionnelle au niveau familial
Le schéma de préparation traditionnelle du gari est illustré à la figure 45. Le bilan matières et les temps de travaux qui sont indiqués dans la figure ne constituent que des ordres de grandeur qui peuvent varier en fonction des variétés de manioc utilisées, de leur date de récolte, de l'expérience des opérateurs, etc.
Réalisée de façon entièrement manuelle, la fabrication du gari est longue et fastidieuse. Il faut en effet compter 950-1.000 heures de travail pour produire une tonne de gari (voir la figure 45), cette quantité pouvant représenter la fabrication annuelle familiale au Nigéria, où 70-80 pour cent de la production de manioc sont transformés en gari.
A ce niveau, la fabrication du gari requiert peu de matériel de fabrication locale:
- épluchage: couteau ou machette;- râpage: feuille de tôle perforée clouée sur un cadre de bois (ces râpes provoquent fréquemment des blessures aux doigts et aux mains);
- pressage: la pulpe est mise dans des sacs de récupération en coton ou en fibres synthétiques qui sont placées soit dans une corbeille sous un couvercle chargé de pierres, soit dans des presses à levier spécialement construites en bois. Mais d'autres systèmes existent également (voir le chapitre 2, section 2.11);
- garification: poêle en fonte, en tôle ou en terre cuite d'environ 60 cm de diamètre posée sur un petit foyer en terre fermé sur trois côtés (voir la figure 46);
- tamisage: tamis traditionnels en fibres végétales;
- manutention: cuvettes émaillées de différentes capacités.
La fermentation naturelle qui accompagne le pressage peut durer 2-5 jours selon les conditions locales et le degré d'acidité du gari exigé par les consommateurs.
La garification proprement dite, toujours réalisée par des femmes expérimentées, consiste à toaster légèrement, sous agitation constante avec une palette en bois, les fins granulés de pulpe pressée et tamisée dans une poêle préalablement huilée ou non avec de l'huile de palme. Les parois de la poêle peuvent atteindre 120°C ou plus, tandis que la masse de pulpe atteint 80-85°C, une température suffisante pour provoquer la gélification partielle de l'amidon dans un premier temps, puis le séchage. La garification réalisée par lots successifs de 2-3 kg de pulpe pressée dure environ 20-35 mn. La chaleur et la fumée du foyer rendent les conditions de travail très pénibles.
Vendu à des grossistes ou au détail sur les marchés locaux, le gari constitue une source non négligeable de revenu en milieu rural. La commercialisation se fait en sacs. Bien séché, à 8-10 pour cent d'humidité résiduelle, le gari peut se conserver pendant des mois à l'abri de l'humidité; en pratique, toutefois, la demande étant généralement plus forte que l'offre, les femmes interrompent le séchage lorsque l'humidité résiduelle est plus élevée (13-18 pour cent).
b) Fabrication familiale améliorée
La pénibilité de certains travaux peut être grandement réduite par l'introduction d'une légère mécanisation et d'appareils plus performants, notamment au niveau du râpage, du pressage et de la garification.
M = masse (kg)
MS = matière sèche (kg)
H = humidité du produit (%)
t = tonne métrique
, ou encore 968 h/t de gari.
Râpage
Toute une série de râpes plus ou moins performantes, construites localement par de petits artisans avec des matériaux de récupération, existent et connaissent un succès certain par les services qu'elles rendent. Certaines sont fixes, d'autres montées sur des châssis équipés de roues et peuvent être ainsi transportées d'un village à l'autre ou d'un quartier urbain à l'autre.
Quelques modèles de râpes sont illustrés au chapitre 2, section 2.9; les plus couramment utilisées sont les râpes à cylindre de bois recouvertes d'une tôle perforée et les râpes à disque horizontal. Elles sont actionnées par de petits moteurs diesel de 3-5 CV importés de divers pays (France, Royaume-Uni, Japon).
Le prix et la capacité de râpage trop élevés interdisent l'emploi des râpes à moteur au niveau familial, mais celles-ci sont utilisées à façon par leur propriétaire dans les villages et les quartiers urbains.
Au lieu de durer une heure, le râpage de 10-15 kg de racines pelées ne prend qu'une ou deux minutes, ce qui justifie les longs trajets que certaines femmes consentent à faire pour faire râper mécaniquement leur manioc.
Pressage
Les presses améliorées en métal, du type presse à vis de reliure, qui peuvent être fabriquées sur place par des mécaniciens ou des forgerons, ne sont utilisées que pour parachever le pressage pendant environ une heure, en fin de fermentation, celle-ci étant réalisée de manière traditionnelle dans des sacs placés dans des paniers, sous un couvercle chargé de pierres. Les fortes pressions exercées par ces presses à vis actionnées manuellement permettent d'obtenir une pulpe moins hydratée, donc moins longue à toaster et à sécher.
Une presse permet, selon sa capacité, de traiter la production journalière d'un village ou d'une coopérative de fabrication de gari. Les presses hydrauliques ou les centrifugeuses illustrées au chapitre 2, section 2.11, ne sont jamais utilisées au niveau villageois en Afrique occidentale où l'on consomme le gari.
Garification
Au niveau villageois traditionnel, où la fabrication du gari est une affaire individuelle, on peut éventuellement envisager d'accroître légèrement la surface des poêles de garification (les doubler au maximum) pour permettre de les charger davantage et de réduire ainsi la durée des travaux journaliers de garification. Une femme assise à côté de la poêle doit néanmoins pouvoir atteindre toute la surface de chauffe sans avoir à se pencher trop. Au lieu d'être concave et ronde, la poêle peut être plate et rectangulaire, d'une surface de 0,5 m2, par exemple, et reposer sur un muret de briques fermé sur trois côtés et servant de foyer (figure 46).
Une amélioration considérable consiste à munir les foyers de garification d'une cheminée, même rudimentaire, de façon à évacuer la fumée au-dessus d'un toit ou au-delà d'un muret le long duquel les foyers individuels traditionnels ou améliorés peuvent être alignés.
c) Fabrication artisanale semi-mécanisée
Dès lors qu'un groupement de paysans souhaite accroître sa production de gari pour la porter à quelques centaines de kilos par jour, il faut soit multiplier le matériel traditionnel ou amélioré que l'on vient de décrire, soit accroître la capacité de ces appareils et mécaniser un plus grand nombre d'opérations. Le choix des matériels spécialement conçus pour transformer le manioc en gari est très limité. La figure 47 regroupe un ensemble d'appareils actionnés mécaniquement ou manuellement, construits au Libéria par la Société Wahdwa et conçus pour produire 125 kg de gari par heure. Certains de ces appareils, comme la peleuse, la râpe et le broyeur, sont entraînés par des moteurs à combustion ou électriques, tandis que les autres appareils (tamis, calibreuse et foyer de garification) peuvent être actionnés manuellement ou mécaniquement. Selon les cas, l'ensemble de ce matériel peut coûter 35.000 à 40.000 dollars (valeur mars 1985). Ce prix s'entend c.a.f.1 port de l'Afrique occidentale.
1 Coût, assurance, fret (on dit aussi c.i.f.). Tous les frais de transport et d'assurance sont compris dans le prix de la marchandise livrée au port de destination.
Figure 47. Matériel semi-industriel de fabrication de gari (Wahdwa, Agrico, Libéria)
Un atelier artisanal ne pourra s'équiper que de certains appareils et choisir par exemple d'éplucher les racines à la main, garantissant ainsi une meilleure qualité du gari. Peu d'ateliers de ce type fonctionnent encore en Afrique occidentale, mais des informations s'y rapportant pourront être fournies par l'Institut national des plantes à tubercules (INTD) à Lomé, au Togo.
Par ailleurs, une firme du Nigéria, Fabrico, construit également un matériel de fabrication artisanale du gari, notamment des fours de garification chauffés au bois ou au charbon, composés d'un demi-cylindre de 4 m de long formant auge dans lequel des pales métalliques disposées sur un axe actionné par un motoréducteur brassent le gari et le font avancer lentement jusqu'à l'extrémité du cylindre. Quatre tiroirs coulissants montés sur rails sont placés sous le demi-cylindre fermé par un couvercle et constituent quatre foyers de combustion séparés reliés à une cheminée commune. Ce système, d'un réglage difficile, a la réputation de brûler le gari et semble abandonné au profit des foyers traditionnels dans les quelques ateliers nigérians où ils sont installés.
d) Fabrication industrielle du gari
Eu égard à l'importance économique du gari en Afrique occidentale, des efforts considérables ont été faits dans les années 1970-1980 pour mécaniser la production de manioc et industrialiser la fabrication du gari, notamment au Nigéria et en Côte d'Ivoire. Plusieurs usines ayant une capacité nominale de traitement de 2.000-2.500 kg de racines à l'heure ont été montées et produisent du gari avec plus ou moins de succès. Il semble que le constructeur de ce matériel conçu au Federal Institute of Industrial Research, Lagos, Nigéria - la société britannique Newell Dunford (Surditon, Royaume Uni) - a interrompu ce programme de fabrication dont le point faible majeur est l'épluchage des racines, qui doit être réalisé traditionnellement à la main par une équipe constituée de nombreuses femmes.
L'épluchage mécanique du manioc posait en effet, jusqu'en 1983-84, un problème difficile, car aucun des systèmes d'épluchage existant jusqu'alors, à savoir:
- les éplucheuses à tambour type bétonnière ou à couteaux cylindriques illustrées aux figures 4 et 5 du chapitre 2;- les éplucheuses Bertin, illustrées à la figure 6, utilisées dans une usine de foufou (farine fermentée de manioc) au Congo; et
- les éplucheuses par brassage sous eau type betterave utilisées par la société Maquina d'Andréa pour la fabrication industrielle de farine de manioc au Brésil ou de gari au Nigéria,
ne donnait satisfaction: soit on ne parvenait pas à éliminer le phelloderme ligneux situé sous le périderme brun, ce qui donnait un gari de mauvaise qualité, soit les pertes à l'épluchage étaient trop élevées.
Seule la Société ivoirienne de technologie tropicale (I2T) à Abidjan, en Côte d'Ivoire, semble avoir résolu le problème par la mise au point d'un système original d'épluchage à sec sur tambours animés de vitesses différentes suivi de tamisage et de centrifugation.
Le schéma de fabrication d'une farine de manioc utilisant le procédé d'épluchage-affinage décrit ci-dessus et mis en oeuvre à Toumodi, en Côte d'Ivoire, est illustré par la figure 48. Ce procédé offre une possibilité d'épluchage mécanique du manioc à un échelon semi-industriel ou industriel.
Le soja représente un produit intéressant du point de vue nutritionnel et offre de nombreuses possibilités de transformation. La fermentation est obtenue par inoculation de souches microbiennes précultivées sur des graines de soja préparées. Parmi les nombreux produits dérivés du soja, seuls le shoyu et le tempeh sont présentés dans ce dossier. Le mode de fabrication de ces deux produits est sensiblement différent.
Ce produit, qui sert d'assaisonnement, se présente sous forme liquide et est obtenu par fermentation simultanée de graines de soja et de céréales (généralement du blé) en milieu salé.
a) Préparation
- faire griller les grains de blé et les écraser grossièrement;
- mettre les graines de soja à tremper 10 à 12 h à température ambiante;
- éliminer l'eau et faire cuire en autoclave à 120°C pendant une heure, puis décortiquer;
- mélanger en quantités égales blé et soja;
- effectuer sur du riz une préculture d'Aspergillus oryzae et A. sojae.
b) Fermentation
- mélanger, à raison de 0,1-0,2 pour cent, l'inoculum et le produit à base de soja et de riz et répartir dans des baquets de 5 cm de profondeur;- stocker à 30°C dans des conditions de teneur en CO2 et de circulation d'air homogènes et remuer périodiquement;
- après 72 heures, ajouter le même volume de saumure à 17-18 pour cent de sel;
- ajouter des souches de Saccharomyces rouxii, Torulopsis, Pediococcus sojae pour accélérer la fermentation;
- agiter périodiquement. A ce stade, la température de stockage a une grande incidence sur la durée de la fermentation: celle-ci dure en général un an, mais peut être réduite si le mélange est stocké pendant un mois à 15°C, puis quatre mois à 28°C, puis un mois à 15°C;
- presser pour recueillir le jus, embouteiller et pasteuriser à 70-80°C pendant 30 mn.
Le tempeh est un aliment à part entière. Il est caractérisé par une forte teneur en protéines et un prix peu élevé. C'est un aliment de base pour les populations qui ont un régime pauvre en protéines.
Il diffère du shoyu par le fait qu'il est fabriqué à partir de soja exclusivement et qu'il est conservé par séchage.
a) Mode de fabrication ordinaire (ou traditionnel)
- décortiquer les graines de soja (soit directement, soit après les avoir ébouillantées);- tremper une nuit à 25°C;
- porter à ébullition dans de l'eau pendant 30 mn;
- éliminer l'eau;
- sécher la surface des graines;
- ajouter un ferment (du tempeh ou une préparation commerciale);
- emballer dans des feuilles de bananier;
- laisser fermenter 1-2 jours à température ambiante;
- blanchir quelques minutes;
- sécher à 93°C pendant 90-120 mn ou plus longtemps au soleil.
b) Mode de fabrication amélioré
- décortiquer et écraser simultanément en 4-5 morceaux;
- tremper dans de l'eau à 25°C pendant 30 mn;
- porter à ébullition pendant 30 mn;
- éliminer l'eau, puis refroidir;
- inoculer avec Rhizopus oligosporus préparé séparément;
- emballer hermétiquement;
- laisser fermenter à 30-31°C pendant 20 heures.